Il est pratiquement impossible, pour une personne ordinaire, de créer un nouvel actif négociable en utilisant les systèmes financiers traditionnels. La cryptomonnaie rend l’opération triviale. Aujourd’hui, n’importe qui, où qu’il soit dans le monde, peut créer des actifs sur Solana en quelques secondes et pour un coût quasi nul.
On observe ainsi une véritable explosion des actifs générés par les utilisateurs (UGA). Le concept d’UGA existe déjà depuis un certain temps dans la sphère crypto, d’abord au travers des tokens sociaux (BitClout, FriendTech, etc.), puis plus récemment avec les memecoins (pump.fun) et les content coins (Zora).
Les modalités générales de trading sur les marchés secondaires n’ont pour l’essentiel pas changé depuis les débuts d’Internet. Les plateformes de courtage en ligne des années 1990 ressemblaient déjà, dans leur logique, à Robinhood, Coinbase ou Phantom aujourd’hui. Typiquement, l’utilisateur recherche le ticker (ou l’adresse du contrat) de l’actif à négocier, puis accède à sa page qui propose des graphiques, des actualités et bien sûr des boutons d’achat et de vente.
Ce parcours est commun à tout le commerce en ligne, pas seulement à la finance : eBay et Amazon reposent sur la même logique transactionnelle.
Les rails crypto facilitent l’intégration, par les développeurs, de fonctions de création d’actifs et de trading (achat/vente) dans n’importe quel logiciel. Grâce à la souplesse des rails crypto, de nouveaux produits de launchpad et des modalités de trading innovantes ont émergé récemment, s’éloignant nettement du modèle Phantom traditionnel. Cette évolution du trading reste sous-estimée et nous souhaitons en souligner certains aspects à travers cet article.
Notre partenaire Shayon avait déjà abordé une variation de ce concept il y a un an dans son article consacré aux Publisher Exchanges.
Plusieurs modalités de trading et systèmes de launchpad ont trouvé une forte traction ces dernières années, tandis que d’autres modèles prometteurs restent en phase de maturation :
Launchpads / Systèmes de création d’actifs :
Modalités de trading :
Le tout premier launchpad crypto fut Coinlist, pionnier du SAFT et des ICO conformes, notamment avec la vente Filecoin en 2017. Coinlist a changé d’orientation au fil des ans mais continue de soutenir de nouveaux lancements, comme la récente vente de validateurs pour DoubleZero ou la vente communautaire pour Pipe Network.
En 2019, Binance a lancé son propre Launchpad, encore actif à ce jour, avec une sélection rigoureuse des actifs mis en avant.
Au cours de la vague L1 entre 2020 et 2022, des dizaines de launchpads ont été lancés par les équipes désireuses de s’imposer sur les nouveaux L1 comme Solana, Polkadot ou Avalanche. La plupart ont cependant disparu.
Aucun launchpad n’a encore réellement percé, mais début 2024, pump.fun a changé la donne.
Après avoir révolutionné l’émission d’actifs, pump.fun continue d’innover en lançant son propre AMM et des modalités de trading inédites.
Il semble peu probable que la seule façon d’instaurer la confiance lors du lancement de nouveaux memecoins soit la courbe de bonding associée au mécanisme de graduation introduit par pump.fun. Nous restons attentifs aux équipes capables de concevoir des mécanismes de lancement ou des modalités de trading fondés sur une vision innovante de la microstructure des marchés.
Plus récemment, Zora cherche à créer de nouveaux usages autour des content coins, mais ce concept n’a pas encore trouvé sa traction sur le marché.
Le panorama actuel des modalités de trading est présenté ci-dessous.
Parmi les bots Telegram solo les plus connus figurent Banana Gun, Unibot, Bonkbot, Trojan et Maestro. Leur popularité a explosé à l’été 2023. Pour les utilisateurs rodés à Phantom, l’expérience peut sembler déconcertante. La gestion de portefeuille y est sommaire, contrainte par l’API Telegram. Néanmoins, ces bots se distinguent par leur efficacité :
Il est évident que ces bots Telegram—en solo ou multijoueur—peuvent intégrer des LLM pour des opérations avancées : emprunt/prêt, bouclage, dépôt dans un vault, etc. Le secteur suscite de l’enthousiasme, mais l’arrivée des LLM ne change pas fondamentalement la nature des modalités de trading ; elle leur offre simplement plus de puissance et de souplesse.
Il est également probable que des portefeuilles majeurs tels que Phantom et BackPack intègrent prochainement des bots LLM. Cela pourrait atténuer la distinction entre courtier/portefeuille classique et bots Telegram, mais leur impact sur les bots spécialisés restera limité.
De nombreux bots Telegram pionniers élargissent leur gamme de produits : Unibot propose désormais un terminal de trading complet.
Le meilleur exemple de bot multijoueur Telegram est PVP. Ce bot fonctionne dans une conversation de groupe, entre vous et vos amis. Vous pouvez ordonner au bot, par exemple, de “longer” BTC, l’ordre est exécuté immédiatement (sur le perp BTC-USD) et publié dans le groupe avec le graphique du prix. Vos amis peuvent alors copier ou contrer votre position.
La véritable valeur de PVP réside dans la dynamique collective du groupe. L’objectif n’est pas la découverte de signaux de trading, mais la camaraderie, la compétition et le divertissement. Le groupe insuffle une dose constante de volatilité émotionnelle.
On partage les victoires, on partage les défaites. Cette solidarité, cette rivalité naturelle qui émerge de ce modèle, sont uniques et difficiles à reproduire. Une fois les utilisateurs intégrés, la fidélisation est forte.
Actuellement, PVP permet surtout de trader des perps sur Hyperliquid. Mais il est évident que d’autres bots multijoueurs intégreront bientôt les memecoins, les actifs fondamentaux, les actions et, plus que tout, les paris sportifs.
Le terme doomscroll est ici utilisé avec bienveillance. Ces fils dominent le web : Twitter, Instagram, TikTok, etc. Ce sont de puissants agrégateurs de contenu.
Farcaster, Lens, 0xppl, Bags et dernièrement Zora essaient de bâtir un fil doomscroll crypto-native, façon Twitter ou Instagram, intégrant le trading. Le vrai défi reste le manque de contenu intéressant. Les effets de réseau de Twitter, Instagram et TikTok sont quasi inattaquables.
Zora se distingue par son approche croisée entre création d’actifs et nouvelle modalité de trading. Zora développe un feed inspiré d’Instagram, où chaque contenu possède son propre memecoin (1 milliard de supply, 1 % automatiquement attribué au créateur). L’idée de monétisation des créateurs y est centrale. Mais la raison qui pousserait à collectionner ces contenus Zora reste à démontrer.
À notre connaissance, aucun portefeuille crypto traditionnel (Phantom, MetaMask, Backpack, Rainbow, etc.) n’a tenté d’intégrer un fil doomscroll. Coinbase Wallet a annoncé qu’il intégrerait Farcaster prochainement, mais cela ne résoudra probablement pas la question de la qualité et de la quantité des contenus.
Quelques équipes, comme token.com ou Involio, cherchent à proposer des fils thématiques pour traders crypto, en intégrant l’exécution de trading à la découverte de contenu. Leur design évoque TikTok, avec une couche crypto-native ajoutée. Plutôt que de bâtir un nouvel agrégateur, ils se raccordent aux plateformes existantes (ce qui n’est pas toujours simple à cause des API tierces).
Vector a créé un fil doomscroll où l’unité n’est pas un post social mais une transaction. C’est, selon nous, l’approche la plus prometteuse pour un produit doomscroll crypto-native, car elle valorise l’engagement financier au-delà du contenu classique.
Le grand défi pour Vector : alimenter le fil avec des transactions et donc du contenu attractif. On peut penser que le meilleur fil doomscroll utilisera l’IA pour agréger les données de multiples sources—pas seulement on-chain—et bâtir automatiquement un contenu pertinent.
Quand ils fonctionnent, les fils doomscroll produisent un engagement massif. Ils exploitent le cycle de la dopamine, créant une captation hors norme. Associé aux flux d’ordres retail, un fil doomscroll crypto est sans doute la plus grande opportunité grand public du secteur aujourd’hui. C’est aussi la plus complexe à réussir.
Aucun trader ne choisit son interface par hasard : chacun joue un jeu précis et recherche les outils pour gagner. Celui qui télécharge Moonshot après avoir vu moo deng sur TikTok a une logique qui n’est pas celle du scalpeur de volatilité macro sur Deribit.
Le trading de memecoins est un cas à part, et bon nombre de principes classiques du marché n’y sont pas applicables (par exemple, penser que les “pros” visent surtout la meilleure exécution — les joueurs les plus rentables paient volontiers 10 % de slippage pour être trois blocs devant les autres). Réduite à l’essentiel, la réussite sur pump.fun dépend de deux facteurs : la vitesse (pour découvrir l’actif et exécuter l’ordre) et la qualité du signal social (nombre/pertinence des regards sur un actif donné).
Au fond, les memecoins sont une financiarisation de l’attention, et la chaîne d’opérations transactionnelles évolue pour capter cette attention. Émetteurs, KOLs, snipers, particuliers : tous interviennent dans cette chaîne de valeur. L’enjeu des terminaux est d’offrir aux traders l’avantage pour décrypter la chaîne et agir plus vite que la concurrence. Cela exige une exécution ultra-rapide (bundles Jito, RPCs sur mesure) et une analyse sociale/adressée très poussée (étiquettes d’adresses populaires, concentration du supply, indexation performante du chain state et une richesse de métriques off-chain).
La principale leçon des deux dernières années est claire : les traders n’ont aucune fidélité à l’interface utilisée.
La question n’est plus “peut-on bâtir un meilleur Axiom ?”. Si une équipe propose une exécution plus rapide et des signaux plus pertinents, les traders suivront. La vraie interrogation : “Comment le jeu des memecoins évolue-t-il avec de nouveaux actifs et de nouveaux traders ?” De nouvelles interfaces suivront le terrain de jeu, au gré de l’évolution du marché. Il y a peu de chances que la structure du marché de l’attention sur les memecoins ait déjà atteint son équilibre. Les nouveaux espaces de trading prosumer suivront la direction du marché — le secteur évoluera, ouvrant des perspectives et attirant de nouveaux acteurs.
Une société de notre portefeuille, Unlonely, explore la convergence du livestreaming et des tokens. Fin 2023, pump.fun a lancé (puis suspendu et relancé) un produit de livestream qui rencontre un intérêt croissant.
Le livestreaming est un terrain de jeu propice au trading de tokens, car le streamer peut interagir en temps réel avec l’audience. Il peut inciter les spectateurs à acheter ou vendre en fonction de ses actions, ou mobiliser toute la communauté pour atteindre un objectif commun. Souvent, le modèle est “le streamer accomplira X si la capitalisation du token atteint Y $”. Mais cette mécanique a pour effet de plafonner le prix du token.
Un exemple marquant est Fishtank, une émission interactive en temps réel. Durant une saison de six semaines, des candidats vivent enfermés dans une maison sous surveillance permanente. Les spectateurs peuvent acheter des tokens pour modifier leur environnement, transmettre des messages synthétisés, déclencher des défis, voire priver les candidats de conforts élémentaires. L’interaction est au cœur du concept, transformant chaque spectateur en participant influent.
L’idée sous-jacente est que le contenu devient programmable et que l’intervention du public efface la frontière entre producteur et spectateur. Il s’agit d’une catégorie médiatique émergente — les tokens de livestream sont négociés en temps réel, l’activité de trading modifiant instantanément la dynamique du contenu.
Les usages autour du livestreaming sont encore naissants et aucun modèle n’a trouvé son marché. Pourtant, ce segment offre un terrain fertile pour l’innovation, notamment combiné à d’autres idées comme les tokens sociaux.
Les interfaces inspirées de Tinder proposent d’exécuter des trades par swipe à gauche ou à droite : il peut s’agir de marchés de prédiction, de paris sportifs ou de négociation d’actifs. L’intérêt du “swipe first”, éprouvé, est d’encourager la prise de décision rapide.
Nous pensons que ce type d’UX est particulièrement adapté aux marchés de prédiction à court terme. L’exemple type : des contrats sur le prochain jeu au football (course ou passe). On imagine aisément des applications secondaires pour tous types de direct, des Oscars au JT. Les diffuseurs ont tout intérêt à créer ces expériences de pari, pour augmenter l’engagement et générer des revenus (par la monétisation du flux d’ordres).
Kyle a tweeté sur cette idée il y a quelques mois, générant beaucoup de réactions. Nous continuons de penser qu’il est possible de bâtir de grandes entreprises innovantes en exploitant ce paradigme de design “swipe first”, incitant à l’action. Parmi les exemples : Hookt, Memelut, et Guess.best (non swipe mais en face-à-face).
Sur Euphoria, placer un pari est aussi simple qu’un tap sur l’écran. D’un simple geste, l’utilisateur parie qu’un actif atteindra un prix cible à un moment précis. Dans la finance classique, cela correspond à une option barrière — un produit sophistiqué généralement réservé aux clients fortunés. Robinhood tente de révolutionner la pratique grâce à une fonctionnalité dédiée, récemment lancée sous le nom trade from chart.
Euphoria retire toute complexité, proposant ce mécanisme puissant dans une interface gamifiée et fluide. C’est rapide et stimulant. Depuis 2021, la communauté crypto attend des produits structurés et l’UX tap-to-trade pourrait constituer la clé d’entrée.
Ce modèle “tap-to-bet” pourrait aussi alimenter des jeux mobiles en argent réel : chaque tap devient une mise et les rails crypto permettent des paiements instantanés et sécurisés aux gagnants.
À mesure que le trading est intégré à tous types de logiciels, la frontière entre culture et finance s’efface — des actifs éphémères naissent des tendances, des récits, de la créativité native d’Internet. Dans ce monde, l’attention génère de la liquidité, et la liquidité attire encore plus d’attention.
Ces applications deviendront le point de référence pour les consommateurs en matière de découverte, d’exécution et de divertissement. Les applications qui maîtriseront parfaitement l’expérience utilisateur dans chaque modalité domineront le flux d’ordres, ce qui leur permettra de générer des revenus importants et de produire des résultats d’exception.
Ces applications ne sont plus de simples portefeuilles — elles permettent de découvrir, trader et socialiser. Le trading est un signal bien plus fort que les likes ou partages, car il implique une prise de risque financière. Finalement, les algorithmes d’IA chercheront à intégrer les signaux issus des transactions pour personnaliser le feed de chaque utilisateur, même si celui-ci a désactivé le trading dans son fil doomscroll.
L’avenir de la finance se joue dans l’ensemble des applications, pas seulement dans les viewers de portefeuille spécialisés.
Nous sommes ouverts à toute innovation sur les modalités de trading. Si vous travaillez sur ce terrain, contactez-nous (Vishal, Shayon, Kyle).